« MATIÈRE À VIVRE. FACE A L'OCEAN »

AURELIE LECUYER - Photographe et artiste

Par: Aurélie ROUTHIER

La parole d'Aurélie est à l'image de sa maison, sensible, sobre et vraie. Sans superflu ni esbroufe de style. Composant une partition aussi simple en apparence qu'intrinsèquement singulière, entre ce qui fait sens et ce qui est beau. 

C’est à Saint-Hilaire-de-Riez, petite ville sur la côte de lumière vendéenne qu’Aurélie Lecuyer, photographe et styliste, est venue s’installer avec son mari Jean-Christophe et leurs enfants, Gustave, Honoré et Blanche, en 2018. Un peu à contre cœur au début, cette parisienne d’origine a fini par y faire son nid dans une heureuse harmonie avec les éléments naturels qui les entourent. 

“Faire son nid” connecte particulièrement avec ton vécu  : cette maison, vous l’avez remodelée avec vos mains.

L'idée était de revoir tous les espaces de cette maison typique des années 70 pour retrouver une sensation d’espace et faire rentrer la lumière de toute part. Nous avons fait disparaître les cloisons, les couloirs, et les sous-plafonds pour donner corps à une immense pièce de vie. Avec mon mari nous avons travaillé nous-même sur tout ce que nous pouvions maîtriser tels que les enduits à la chaux des murs, les sols en bois et béton, la cuisine en bois. 

Éclairer et respirer. D’où le choix de matériaux bruts très simples et de tonalités majoritairement neutres. Nous ne voulions pas en rajouter inutilement. Il faut dire que la lumière du bord de mer est si particulière et étourdissante de beauté qu’elle se suffit à elle seule.

On pourrait presque se sentir au Portugal !

Mais oui, il y a bien sûr des connexions entre la maison vendéenne traditionnelle et celle que l’on peut voir au Portugal. La simplicité est de mise, la technique des murs talochés pour absorber l’humidité et faire respirer les pièces…

Je dirais que chez moi souffle l’esprit vendéen mêlé à mes inspirations plus personnelles. Je ne suis aucune tendance mais me laisse porter par mon instinct.

Les objets sont importants à tes yeux ?

Je dirais que je ne suis pas matérialiste et que je pourrais me dépouiller de nombreux objets, hormis ceux qui sont très symboliques pour moi et pour lesquels j’ai donc une affection particulière. Les objets que je choisis, de par leurs couleurs, leurs matières, donnent une sensation de sécurité immense quand je les regarde ou les touchent. Pour moi les objets ne doivent pas être là par hasard. Ils sont là pour nous raconter une histoire, porter en eux un récit. J’accorde autant d’importance à un caillou trouvé sur la plage et qui me rappellera un moment de joie qu’à un objet de grande valeur financière ou de grande utilité.

Prendre le temps est important pour toi, comment y parvient-on vraiment dans ce monde du trop-plein et du trop-vite ?

En vrai je suis moi-même une impatiente ! Mais lorsqu’on se met en retrait géographiquement et professionnellement du tourbillon citadin, on parvient déjà plus facilement à modifier sa nature. Et puis le choix de travailler la céramique raconte aussi quelque chose de mon désir de me réapproprier le temps, celui qui permet de créer.  Je me suis tournée vers un art qui impose le temps long, le respect des étapes, l’attente de la cuisson.  Il me faut une dizaine de mois pour sortir de nouveaux modèles. 

On sent en effet chez toi une osmose avec la “matière” et les matières dans toutes leurs diversités.

La matière je l’habite, je la travaille, comme chaque être humain j’en suis constituée : elle est partout et pourtant on l’oublie parfois.  Il faut savoir la regarder, la choisir, la faire sienne. On a tous des matières qui nous séduisent et nous animent plus que d’autres. Chez moi par exemple il s’agit de la fibre de lin en particulier : française, naturelle, durable comme dans la collection Sandhills. La laine comme le mohair ont cet effet enveloppant apaisant. Et puis il y a eu ma rencontre avec la céramique. Les lampes que je crée avec le céramiste Benoît Audureau ont une matière assez primitive. Elles sont très rugueuses. On peut sentir le travail très instinctif du céramiste. Les abats-jour que je tisse sont eux en corde ou en raffia. Ces rencontres inattendues de matières racontent une histoire à chaque fois différente. Uniques.

Pourquoi cette démarche artistique avec l’objet lampe ?

Au début ça démarre par une lampe en grès du Marais que je chine. Je me suis dit que cet objet là on ne le trouvait plus aujourd’hui. Il puis il y a toute la symbolique de la lampe : j'aime le fait qu’elle soit ancrée dans un quotidien très concret de par son utilité mais aussi sa dimension plus sensible procurée par la lumière qu’elle émet, et qui peut transformer totalement le vécu d’une pièce. Les lampes que nous créons sont des objets durables dont les socles sont faits avec de la terre, matériau très puissant et concret auquel on vient donner un supplément d'âme émotionnel via la lumière.

Qu’est ce que cet art de la céramique t’as appris ?

La joie de l’imperfection ! La surprise toujours renouvelée d’un résultat qu’on ne maîtrise jamais totalement. Travailler sur du vivant, de l’inconstant implique une nécessaire humilité.

Dame tapis ou mère coussins ?

Je préfère les tapis, j’en ai partout. Ils habillent tout autant qu’ils réchauffent. Ils peuvent changer tout une ambiance sans être protagonistes.

Devant la cheminée de mon salon, j’ai le tapis Beja de Saudade, que j’ai fait réaliser sur mesure. J’adore ce “faux-uni” : c’est en s’approchant qu’on découvre le subtil tissage de deux couleurs. J’accorde de l’importance au fait qu’ils ont été fait de manière artisanale par des tisserands Portugais.

Moi qui n'achète rien, recycle, chine, crée, savoir que les fils de ce tapis ont été recyclés me parle forcément.

Ta définition du beau ?

Le beau devrait être democratique. Il doit être simple, accessible.

Avec le temps, je me suis éloignée d’un schéma très intellectualisé et construit du beau. N’est beau pour moi que ce qui est  instinctif, non calculé. C’est une harmonie. Parfois une imperfection.

Une personne qui t'inspire en ce moment ?

Agathe Berjaut 

À un moment où tout tend vers une certaine uniformisation, il faut réussir à créer un certain décalage, ce qu'elle fait.

Ton tapis s’envole, il t’emmène où ?

Sur la côte Portugaise côté Atlantique vers Faro. Mon mari est un surfeur.

Finalement je ne cherche pas de l’exotisme lorsque je pars de chez moi. On sait ce qui nous rend heureux et on aime retrouver ces éléments sur d’autres rivages : du vent, du sable, l'océan …avec quand même une bonne dose de soleil en plus par rapport à notre lieu de vie !

Un objet "Saudadesque" chez toi ? 

Les quelques bijoux que m'ont laissés mon arrière-grand-mère, ma grand-mère et ma mère. Ils ont traversé l'histoire, la leur et la mienne maintenant. Lorsque je les regarde ou les porte, je suis envahie par une intense et douce nostalgie, avec la certitude que jamais mes souvenirs avec elles ne s'évanouiront. 

Une maison à Lisbonne comme un songe en été
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L'oeil de l'artiste, la main de l'artisan.
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Matières à vivre.  Face à l'Océan
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